Midi Bascule

S3E23 Chronique de José - Être un enfant au XXIe siècle

Pendant que les adultes prétendent se comporter comme des adultes, que deviennent les enfants dans le monde en ce début de siècle agité? Une chronique de José Lillo pour en faire le tour.

Salut à toi, qui est né quelque part et qui n’en est pas pour autant devenu imbécilement heureux. Pathologie qui s’attrape au contact prolongé d’un drapeau, allant même jusqu’à provoquer à l’âge adulte une morbidité de la crispation identitaire, dite dans le jargon de clinique des troubles anxieux une finkielkraulite, pouvant entraîner la dissolution de l’empathie humaine et de toutes ces petites choses autour desquelles on s’agitait tant autrefois. Surtout dans l’après 45.

Mais trêve de radotage, le comité éditorial de Midi Bascule m’a cette semaine passé commande d’une chronique sur la situation des enfants dans le monde, à laquelle, inconscient que je suis, j’ai répondu favorablement. Je leur ai dit: Houla, ça risque de plomber l’ambiance c’t’affaire... À quoi il m’a été répondu, avec le sérieux de circonstance: On sait. Mais José, depuis quand tu as des réticences à plomber l’ambiance? À quoi j’ai répondu, sincère et contrit: C’est vrai. Mais n’allez pas croire que j’y trouve un quelconque plaisir... Si la concorde et l’amour régnaient sur la planète, ou même rien que sur la francophonie, croyez-bien que je me consacrerais ici à livrer des calembours follement divertissants, tels que: Midi Bascule oui, mais Midi Bouscule! Ah, c’est frais, c’est fin, c’est souriant, on en redemande...

Bon, allez, l’enfance dans le monde en 2024. Alors déjà, passons sur ce que tout le monde sait, c’est-à-dire qu’ils sont destinés à vivre sur une planète de plus en plus inhabitable et qu'ils assisteront à l’extinction d’un nombre considérable d’espèces vivantes, végétales et animales, tel l’éléphant, le tigre, le rhinocéros, la panthère des neiges, bon j’arrête, la liste est trop longue et dépasserait le temps imparti de cette chronique. Les enfants des sociétés prospères de 2024, il leur restera toujours le souvenir de leurs peluches animalières pour se consoler de l’avenir et le souvenir de séries animées Netflix où les rôles principaux sont tenus par de sympathiques animaux anthropomorphisés dans des aventures trépidantes où la mort est absente, afin de ne pas les effrayer selon nos normes civilisées de censure.

Il est vrai que ces programmes ne sont pas prioritairement destinés aux enfants de Gaza, à qui il n’est d’ailleurs rien destiné si ce n’est, manifestement, de mourir sous l’assaut fanatique du pays voisin qui a décidément bien du mal à distinguer les combattants du Hamas d’une montagne de cadavres d’enfants. Mais passons rapidement là-dessus comme il est d’usage dans la société de l’information contemporaine qui peut pourtant tenir deux semaines sur: pour ou contre Sardou. Et autres diversions permanentes.

Bref, le fait que les enfants vivront de plus en plus dans un monde de merde (au propre et au figuré), c’est le futur et le futur, ce n’est pas le sujet. Non, le futur, c’est déprimant, alors le sujet, c’est le présent, moins déprimant que le futur. C’est toujours ça de pris. Et qui de mieux que l’Unicef pour nous éclairer sur la situation de l’enfance dans le monde d’aujourd’hui? Et là, navré mais on est tout de suite dans le haut de gamme de l’épouvante: L’année 2023 a été une année noire pour les enfants, prévient l’Unicef. De Haïti au Soudan, du Yémen à l’Ukraine, de l’Afghanistan au Proche-Orient, les enfants du monde entier ont subi des violations de leurs droits les plus fondamentaux qui n’ont jamais été si menacés.

460 millions d’enfants vivent dans des zones aux crises majeures. Survivre y est devenu un véritable défi. Dans la Corne de l’Afrique, la menace de la famine plane constamment sur les enfants. En République Démocratique du Congo, 15 millions d’enfants subissent de plein fouet la guerre, les flambées épidémiques et les violences sexuelles endémiques. Sans compter l’enrôlement dans des groupes armés. À Haïti, le système de santé s’est effondré. Les fournitures essentielles à la survie des enfants sont pillées par des groupes armés. La bande de Gaza a été déclarée l’endroit le plus dangereux au monde pour les enfants. En Syrie, plus de 7 millions d’enfants ont besoin d’aide humanitaire, 650'000 enfants de moins de 5 ans y souffrent de malnutrition chronique, plus de 30% des enfants sont en état de détresse psychosociale, là où les tremblements de terre ont frappé, 83% des enfants présentent une détresse psychologique comportementale. 43,3 millions d’enfants dans le monde sont en situation de déplacement forcé.

Partout, les enfants sont les premières victimes des crises et conflits, qu’ils soient politiques, climatiques, humanitaires, économiques, sanitaires ou alimentaires en dépit des engagements des États à respecter leurs droits, alerte l’Unicef. Ils sont également les premières victimes de la stagnation des progrès en matière de réduction de la pauvreté. À l’échelle mondiale, plus de la moitié des personnes vivant dans une extrême pauvreté sont des enfants.

Pendant ce temps-là, chez les bien lotis, dans les pays industrialisés, on surexpose les enfants aux écrans, au cyberharcèlement, à la cyberdépendance, à la désinformation, aux contenus violents et aux fake news.

Voilà. C’était un rapide survol de la situation des enfants dans le monde. Arrivé à la fin de ma chronique, j’ai juste envie de réentendre un refrain d’autrefois:

Accours vers nous, prince de l'espace,
Viens vite, viens nous aider,
Viens défendre notre Terre,
Elle est en danger...

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Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 22 mars 2024
Publiée le 25 mars 2024
Crédits photo: Anne Bouchard

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