Midi Bascule

S3E21 Intégrale - Spéciale podcast: L'Inconnue du Rhône

Esthétisées, fétichisées ou objets de fantasmes érotiques, pourquoi les (jeunes) femmes mortes fascinent-elles autant? C'est la question que soulève Sara Dutch dans son podcast "L'Inconnue du Rhône".

Une création sonore

Le podcast en trois épisodes L’Inconnue du Rhône est l’un des lauréats du dernier appel à projets de Radio Bascule et évoque un fait divers énigmatique, la découverte dans le Rhône, en 1978 à Saillon, d’un corps de femme sans tête. Sara Dutch est l'autrice de ce podcast réalisé avec le concours d’Aline Bonvin. Active dans la culture, dans le cinéma, la télévision et le documentaire, Sara Dutch débute dans la radio au sein de la première équipe de Fréquence Banane et retrouve la création sonore à l'occasion de cet appel à projets, pour faire la lumière sur un fait divers.

Saillon, le Rhône et Farinet

Tout part d’un fait divers. D’un corps décapité et passablement décomposé, charrié par le Rhône jusqu’à Saillon où il échoue, un beau jour de 1978. Or, à Saillon, il n’y a pas que des cadavres morcelés ou des bains thermaux. Il y a aussi la mémoire d’un des plus célèbres hors-la-loi de l’histoire suisse, le faux-monnayeur Farinet, qui fut abattu en 1880 non loin de là par la police – ou alors qui, dans sa fuite, a fait une chute mortelle dans les gorges de Salentse. C’est donc à Saillon que les Amis de Farinet cultivent le souvenir de ce Robin des Bois à la sauce helvète, et à Saillon que se trouve la vigne à Farinet, la plus petite vigne du monde et probablement l’une des plus connues.

L'Inconnue du Rhône

Mais alors, qu’est-il bien passé par la tête de Pascal Thurre, l’âme des Amis de Farinet pendant des décennies, pour décider d’offrir à la morte anonyme repêchée à Saillon une sépulture dans le cimetière communal et d’organiser chaque année, pendant plus de vingt ans, une cérémonie en son honneur? Sait-on qui était cette femme? Pourquoi a-t-elle fasciné les émules de Farinet et de pas mal d’artistes au passage? Et qu’est-ce que cela dit, au fond, de notre rapport à la mort, à l’anonymat, à la féminité?

Quand une figure devient un mythe, on oublie vite qu’il s’agit d’une vraie personne.

Avec ce podcast, Sara Dutch souhaite ramener la personne, l'être humain, la femme, au centre de la discussion. José Lillo, dont la mine parfois ombrageuse et terrible cadre assez bien avec le thème du podcast, plaide pour qu’à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, une extension de l’attention leur soit faite.

Du côté de l’Inconnue, on retiendra peut-être que les morts en disent beaucoup sur les vivants. Et qu’une morte anonyme au corps martyrisé peut servir de surface de projection – projection du deuil pour des familles sans nouvelles d’un proche disparu ou projection de fantasmes marchands ou romantiques, parfois à la limite de la mégalomanie, fruits d’un regard masculin qui s’empare d’un corps anonyme.

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Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 8 mars 2024
Publiée le 8 mars 2024
Crédits photo: L'Inconnue du Rhône © Marie Bidaut

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